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La fonction L&D : désintermédiation accélérée ?
18 NOVEMBRE 2025
Plus de la moitié des professionnels L&D utilisent désormais l’IA, mais ce n’est plus l’information clé. Le vrai sujet, c’est que l’IA n’attend plus que les L&D lui ouvrent la porte : elle circule déjà partout dans l’entreprise, entre les mains des collaborateurs. Après une première vague de désintermédiation qui dure depuis 20 ans (web, Google, smartphone, etc.), le phénomène s’exponentialise. Le risque n’est plus périphérique : il frappe le cœur du métier formation challengé par ses clients, chacun pouvant produire, traduire, adapter ou critiquer un contenu en quelques secondes.

Un risque ancien, devenu soudain systémique

Les directions formation ont déjà connu un basculement de ce type. L’arrivée du web au début des années 2000 avait ouvert un accès direct et quasi illimité au savoir. Google avait pulvérisé le monopole de la connaissance détenu par les formateurs et les bibliothèques internes. Les collaborateurs commençaient à apprendre seuls, à leur rythme, selon leurs besoins. Mais malgré cette première désintermédiation, le L&D continuait de jouer un rôle majeur : organiser l’offre, accompagner les managers, garantir la qualité, animer les communautés et structurer les parcours. L’IA change complètement l’équation. Cette fois, l’apprenant ne fait plus seulement chercher l’information : il la produit. Il la transforme. Il la réécrit. Il la met en forme. Il la scénarise. Il la traduit. Il la critique. Il la contextualise. A une vitesse, à un coût et à une échelle qui déplacent brutalement le centre de gravité du L&D. Le rapport AI in L&D 2025 de Donald H. Taylor montre que 54 % des professionnels L&D déclarent utiliser l’IA, mais le plus spectaculaire n’est pas là. Ce sont les usages observés sur le terrain, hors L&D, qui redessinent les lignes. Le risque autrefois périphérique est devenu structurel : l’IA court-circuite la fonction formation.

L’IA, première créatrice de contenus de l’entreprise

Ce qui frappe à la lecture du rapport, c’est la violence calme de l’évolution. L’usage le plus répandu reste la création de contenus. Rien de surprenant : l’IA sait rédiger, résumer, clarifier, adapter ou traduire mieux et plus vite que quiconque n’aurait pu l’imaginer il y a trois ans. Mais ce qui change la donne, c’est que cette compétence n’appartient plus aux seuls concepteurs pédagogiques. Elle est entre toutes les mains. Un commercial produit son argumentaire. Un manager fabrique son module de formation interne. Un expert métier résume son guide de procédure. Un chef de produit crée le kit d’onboarding pour les nouveaux arrivants. Le L&D n’est plus l’unique producteur de contenus : il devient un producteur parmi d’autres, parfois même un producteur plus lent, parce que contraint par la qualité, la cohérence, la conformité. L’étude montre que les répondants utilisent en moyenne 4,9 usages d’IA sur les 15 proposés, contre seulement 3,1 un an plus tôt. C’est la preuve d’une diffusion non seulement massive, mais polymorphe. Chaque collaborateur devient simultanément apprenant, formateur, designer et traducteur. La désintermédiation n’est plus une hypothèse : elle est une mécanique qui s’installe au cœur de l’entreprise.

La tentation du “good enough” : un risque pour les organisations, une menace pour le L&D

L’IA produit vite. Elle produit beaucoup. Elle produit “assez bien”. Le rapport parle d’un basculement culturel : la qualité premium du concepteur pédagogique est menacée par des contenus “good enough”, rapides, fluides, bon marché. Le rapport note également la montée de termes comme “analyse”, “recherche”, “data”, preuve que les usages montent en sophistication. Mais c’est bien cette production massive de contenus “suffisamment bons” qui crée le risque le plus immédiat. Le L&D est placé devant un paradoxe. Plus l’IA permet la création autonome, plus les collaborateurs se tournent vers elle. Plus ils l’utilisent, moins ils voient l’utilité d’attendre un module conçu par une équipe centralisée. Plus ils automatisent, plus ils contournent. Le risque n’est pas seulement un contournement des processus. C’est un affaissement silencieux de la qualité et de la profondeur de l’apprentissage. Le rapport mentionne des inquiétudes autour de la “dette cognitive” : l’employé réussit à produire une présentation impeccable grâce à l’IA, mais reste incapable d’en défendre le contenu devant un client ou un directeur. Le L&D, pourtant garant de la compétence réelle, se retrouve alors marginalisé. Si l’entreprise ne reprend pas la main, c’est l’apprentissage lui-même qui s’appauvrit.

Le précédent digital : quand le L&D n’avait pas vu venir la vague

Il y a vingt ans, les équipes formation avaient mis du temps à mesurer l’impact du web sur leur métier. On considérait encore la formation comme un espace clos et maîtrisé, alors que les communautés, les wikis, YouTube et les forums réinventaient déjà l’apprentissage. La fonction formation avait fini par intégrer ces usages, parfois tardivement, en parlant d’apprentissage informel, de 70-20-10, de social learning. Avec l’IA, le phénomène n’est plus progressif, il est instantané. Le rapport souligne la vitesse de diffusion : 606 répondants dans 53 pays, et des usages étonnamment homogènes entre continents. L’IA se propage sans pédagogie, sans garde-fous, sans règles, sans niveau minimal de maîtrise. Contrairement au web, l’IA n’est pas un réservoir d’informations : c’est un générateur de solutions. Là où Google donnait accès à des réponses, l’IA donne accès à des actions : rédiger, synthétiser, analyser, traduire, structurer, corriger. La désintermédiation n’est plus une fuite ; c’est une implosion.

Reprendre la main : la fonction formation au pied du mur

L’étude relève un point essentiel : les responsables formation s’interrogent eux-mêmes sur leur place dans la transformation IA. Beaucoup voient l’occasion d’un repositionnement stratégique ; d’autres redoutent une baisse de compétence, un appauvrissement de la créativité, une perte de légitimité. Le L&D ne peut plus se contenter de réguler, d’accompagner ou de sensibiliser : il doit redevenir indispensable. Non pas en freinant les usages, mais en apportant ce que l’IA ne fournit pas : l’architecture de l’apprentissage, la capacité à donner du sens aux données, la maîtrise du cadre éthique, la compétence critique, le pilotage global des connaissances, la cohérence des référentiels, la qualité pédagogique. La bataille de la pertinence est engagée. Elle se gagnera non pas sur le temps de production des contenus, mais sur la capacité des professionnels de formation à orchestrer un écosystème où l’IA est omniprésente, mais non anarchique. L’IA a échappé au L&D. Au L&D d'échapper à l’IA — en redevenant l’ingénieur du savoir, et non seulement son producteur.

AI in L&D 2025: The Race for Impact – Donald H. Taylor & Eglė Vinauskaitė

Par la Rédaction d'e-learning Letter

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